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« Mon quota n'est pas un facteur limitan « Mon quota n'est pas un facteur limitant »

Laurent Lambert module sa production de lait en fonction de deux contraintes : le bâtiment des vaches laitières et la main-d'oeuvre.

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A Jaunay-Clan, dans la Vienne, le quota n'est pas un frein au développement de l'atelier laitier. « Si je demandais à ma laiterie, Eurial-Poitouraine, une rallonge pour l'installation de mon fils Mathieu, une attribution supplémentaire ne poserait pas de problème », illustre Laurent Lambert, dont l'exploitation de polyculture- élevage se situe en pleine zone de déprise laitière. Et s'il ne l'a pas encore fait, c'est qu'il a d'autres contraintes. « Ni le quota, ni la surface fourragère, ni la surface épandable ne sont limitants. En revanche, j'ai saturé la main-d'oeuvre et les bâtiments pour diluer les charges de structure. » L'exploitation, qui compte 90 ha de surfaces fourragères et 150 ha de cultures de vente, emploie aujourd'hui trois unités de main-d'oeuvre : Laurent, Mathieu et un salarié, Nicolas Girault.

RÉDUIRE LE COÛT ALIMENTAIRE

Installé en 2001 avec 300 000 l de quota, Laurent se voit attribuer 200 000 l de rallonge. En 2004, il construit un bâtiment de 64 places. Sa référence continue d'augmenter, jusqu'à 642 000 l. « J'ai obtenu des rallonges chaque fois que j'en ai demandé. » Il accroît le nombre de vaches, pour un niveau de production de 8 000 l/animal. Désormais, la stabulation est « sursaturée » en hiver, avec 75 à 80 prim'holsteins. Différents leviers pour accroître la production laitière ont également été actionnés, comme le tarissement court et le vêlage à 24 mois.

« Je ne peux pas intensifier davantage la production par vache avec le bâtiment actuel, car j'irais au devant de problèmes sanitaires. Il y a trois mois difficiles, de décembre à février, avec des taux cellulaires élevés. » Heureusement, grâce aux 25 ha de pâtures attenantes au bâtiment, les vaches sortent de mars à novembre.

« Quand j'ai repris le troupeau, j'ai réduit la production par vache, en descendant de 10 000 l à 8 000 l, pour réduire le coût alimentaire. » Un bon calcul : en diminuant la consommation totale de concentrés et de fourrages, Laurent a augmenté la marge brute de l'atelier laitier, malgré l'accroissement de l'effectif. Le fourrage, d'excellente qualité (le maïs est irrigué), permet de limiter la complémentation. La ration hivernale se compose de 32 kg d'ensilage de maïs, 16 kg d'ensilage d'herbe, 1 à 2 kg de foin de luzerne, jusqu'à 3 kg de tourteau de soja (ou un mélange sojacolza) et 100 g de minéraux. Le coût alimentaire s'élève à 105 €/1 000 l, dont 50 € de concentré.

UN SEUIL D'ASTREINTE

« Si nous développons l'atelier laitier, il devra faire vivre trois personnes, voire quatre. Avec l'organisation actuelle, nous bénéficions de deux week-ends sur trois, une seule personne suffisant à l'astreinte. Nous y tenons. Passer de 80 à 120 vaches pour produire un million de litres de lait, comme envisagé dans le projet d'installation de Mathieu, nous obligerait à être deux d'astreinte chaque week-end, ou à embaucher une quatrième personne. Avec une hypothèse de prix du lait de 280 €/1 000 l pour 820 000 l en volume A, et de 270 €/1 000 l pour 200 000 l en volume B, un investissement de 200 000 € pour des travées supplémentaires n'était pas rentable... »

Les montants utilisés dans la simulation sont plutôt pessimistes mais les éleveurs l'ont déjà vécu en 2009, et ils veulent que leur système résiste à un cours bas. « Au prix actuel du lait, le projet passerait. Mais il nous faudra demain digérer la réforme de la Pac : l'exploitation va perdre 26 000 de primes. En outre, 50 % de nos prélèvements en eau pour l'irrigation nous seront retirés en 2017. Nous réfléchissons, avec deux autres agriculteurs, à la création d'un ouvrage de stockage d'eau mais l'investissement est de 6 /m3. Subventions déduites, les annuités s'élèveraient à 15 000 ... Nous ne pouvons engager des investissements conséquents pour l'atelier lait sans considérer l'ensemble de l'exploitation. »

DERNIERS LEVIERS

Pour l'instant, Laurent et Mathieu ont préféré mettre en place un atelier de maïs semence, qui diversifie les sources de revenus sans investissements lourds. Mais ils se lanceront peut-être dans le projet un jour. A moins qu'ils utilisent les derniers leviers pour faire varier les livraisons sans changement majeur. Laurent estime sa marge de manoeuvre à 60 000 l, en augmentant le nombre de vaches dans les périodes creuses, la majeure partie des vêlages se déroulant aujourd'hui en hiver. Ils pourraient aussi ajouter deux travées au bâtiment pour un surcoût moindre. Avec un chargement réduit, ils intensifieraient la production à l'animal, tout en maintenant l'effectif à 80 vaches traites pour rester dans les limites permises par le matériel et la main-d'oeuvre. « Avec une hausse de 1 000 l/vache, nous pourrions livrer 80 000 l en plus, soit 10 à 15 % d'adaptation. C'est faisable en ajoutant du concentré car le troupeau possède une bonne génétique. »

En cas de fort recul du prix du lait et de hausse des céréales, il suffira de passer de 80 à 65 vaches, en jouant sur le taux de réforme. Un levier réversible dès la campagne suivante. En effet, Laurent garde toutes les génisses, ce qui permet d'augmenter rapidement les effectifs. « Il suffira de réformer 15 vaches au lieu de 30 et de faire rentrer toutes les génisses dans le troupeau. Un taux de renouvellement élevé coûte cher mais il permet de s'adapter rapidement. »

AMPLITUDE DES PRIX

Laurent reste néanmoins prudent. « En dix ans, le contexte s'est inversé. A mon installation, j'avais deux atouts : un quota laitier et un prix du lait stables, ainsi que des surfaces irriguées qui garantissaient la production fourragère, ironise-t-il. Aujourd'hui, j'ai deux contraintes : un prix du lait dans le marché libre et une irrigation compromise ! Au vu de 2013, il pourrait être tentant d'abandonner le lait pour ne produire que des céréales. Mais il y a un bémol : le prix du lait oscille de 30 €/1 000 l, soit 18 000 €/an. Les amplitudes pour les céréales sont plus fortes : le maïs a perdu 80 €/t et le blé 50 €/t, soit plus de 60 000 € ! A l'avenir, les exploitations en polyculture-élevage seront plus stables face aux variations de prix des productions. »

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